Dépêche APM

Une expérimentation « article 51 » pour améliorer la prise en charge préventive en ambulatoire de la maladie rénale chronique

PARIS, 6 juillet 2023 (APMnews)

Une expérimentation de type « article 51 » pour la prévention de la maladie rénale chronique (MRC) terminale grâce à une prise en charge pluriprofessionnelle en secteur ambulatoire a été autorisée par un arrêté paru dimanche au Journal officiel.

Cet arrêté autorise à partir de sa publication, dimanche, le lancement de l’expérimentation Pro IRC sur la « prévention de l’IRCT [insuffisance rénale chronique terminale], de la suppléance rénale et optimisation de ces prises en charge par le suivi pluriprofessionnel en secteur ambulatoire de patients présentant une maladie rénale aux stades 3b, 4 et 5 ». Le cahier des charges de cette expérimentation a été mis en ligne jeudi.

Ce projet est porté par le Syndicat des néphrologues libéraux (SNL), représenté par le Dr Jean-Paul Ortiz, ancien président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et néphrologue à Cabestany (Pyrénées-Orientales), par le Dr Christophe Goupy, président du SNL et néphrologue à Mantes-la-Jolie (Yvelines), et par le Dr José Brasseur, ancien président du SNL et néphrologue à Bois-Bernard (Pas-de-Calais).

Il est « rare » qu’une expérimentation de ce genre soit exclusivement portée par un groupement professionnel syndical, et même plus généralement par des professionnels libéraux, fait remarquer le Dr Ortiz, interrogé jeudi par APMnews.

Il justifie la nécessité d’une telle expérimentation par sa complémentarité avec le forfait MRC, mis en place début 2019 et dont l’application est restreinte aux établissements de santé (cf dépêche du 24/09/2019 à 12:27).

« Ce forfait était un plus mais il a été mal ficelé pour avoir la dimension et l’efficacité qu’on voulait lui donner », c’est-à-dire pour une action préventive chez les patients avec une MRC stade 4 ou 5, estime le Dr Ortiz. En effet, « le fait d’organiser les choses autour des établissements qui ont une unité de dialyse était une erreur conceptuelle initiale » car « les patients ciblés [par le forfait] ne sont pas des patients hospitalisés mais des patients qui sont suivis en consultation », avance-t-il.

Il ajoute qu’un certain nombre d’établissements de soins facturent le forfait mais n’ont pas une activité qui correspond à ce qui est théoriquement prévu dans le cadre du cahier des charges de ce forfait.

Les nouveaux forfaits prévus dans le cadre de l’expérimentation Pro IRC viennent donc compléter cette offre pour prendre en charge les patients dans un cadre ambulatoire.

Tout comme le forfait MRC, l’objectif est de permettre un suivi rigoureux des malades rénaux chroniques afin de repousser la suppléance ou, si la suppléance devient nécessaire, d’orienter les patients vers les modalités les plus adaptées. Cela passe par exemple par leur proposer le plus tôt possible une inscription sur la liste nationale d’attente pour une greffe rénale mais aussi par le développement de la greffe préemptive.

Une prise en charge plus précoce de la MRC serait économiquement rentable

En plus des malades rénaux chroniques au stade 4 et 5 (présentant un débit de filtration glomérulaire estimé [DFGe] entre 15 et 29 ml/min/1,73 m² et inférieur à 15 ml/min/1,73 m², respectivement) qui sont déjà concernés par le forfait MRC, l’expérimentation Pro IRC cible également les patients au stade 3b (DFGe entre 30 et 44 ml/min/1,73 m²).

L’expérimentation se déroulera dans les trois régions où exercent les porteurs du projet: dans les Hauts-de-France sur le bassin Lens-Hénin-Beaumont; en Ile-de-France à Mantes-la-Jolie et à Paris; en Occitanie dans une large zone des Pyrénées-Orientales.

Jean-Paul Ortiz présente un projet basé sur « l’aller-vers » avec dans chaque région une ou deux équipes pluriprofessionnelles spécialisées dans le forfait Pro IRC qui iraient vers les patients là où ils se trouvent. Ces équipes comprendront un néphrologue, un diététicien, un psychologue et une infirmière diplômée d’Etat coordinatrice (Idec).

Trois forfaits sont prévus pour les trois stades d’avancement de la maladie et comprennent un nombre variable de consultations avec les différents spécialistes, pour un montant annuel de :

  • 112 euros pour le stade 3b
  • 270 euros pour le stade 4
  • 367 euros pour le stade 5.

L’expérimentation est prévue pour durer cinq ans, dont une phase de préparation de neuf mois -permettant la formation et la communication des médecins généralistes et soignants des territoires- et une inclusion des patients sur 38 mois.

Au total, il est envisagé d’inclure 2.580 patients: 960 au stade 3b, 1.140 au stade 4 et 480 au stade 5.

Cette expérimentation représente un montant de 1.724.507 euros réparti en deux parties: 396.290 euros de crédits d’amorçage et d’ingénierie (pour la coordination, la formation et la communication) et 1.328.217 euros pour le financement des prestations dérogatoires.

Enfin, le cahier des charges de l’expérimentation comprend une estimation des coûts de prise en charge évités à l’assurance maladie. En effet, en tant qu’affection de longue durée (ALD), les frais liés à la maladie rénale chronique sont remboursés à 100% dès le stade 2 de la maladie (DFGe inférieur à 60 ml/min/1,73 m²).

Les porteurs de projet estiment ainsi qu’une prise en charge avec Pro IRC permettrait aux malades de stade 3b de gagner six mois sans traitement de suppléance, et trois mois pour les stade 4. Pour 960 patients de stade 3b et 380 de stade 4, cela représenterait un gain théorique de 24 millions d’euros.

Faciliter la prise en charge précoce permettrait également de réduire les mises en dialyse en urgence et d’orienter davantage de patients vers des modes de traitement autonome. Les porteurs de projet visent un objectif de 20 patients dans ce cas, pour un gain de près de 300.000 euros.

(Journal officiel, dimanche 2 juillet, texte 20)

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